Quelles stratégies régionales pour doper le développement économique des entreprises ?

Le 31 mars 2014 dans Stratégie

Puzzle

emoveo vient de réaliser une étude pour le compte d’une grande région française.

A l’heure où les questions de croissance et de compétitivité prennent une place centrale dans le débat politique, nous avons souhaité en partager quelques éléments de résultat.

Pourquoi ? Parce que justement il est question d’être plus efficace dans l’accompagnement des entreprises, start-up, PME et ETI, dont l’on attend beaucoup pour relancer l’économie.

Quel est l’intérêt de cette étude ?

Par-delà le cahier des charges et le but recherché, aider les services économiques d’une région à requestionner l’offre d’accompagnement de leurs entreprises ressortissantes, l’intérêt majeur est d’avoir pris le temps d’écouter une cinquantaine de dirigeants d’entreprises d’environnements très variés.

Que témoignent-ils ?

  • En général :
Des entreprises que nous avons rencontrées, toutes sont positionnées sur des marchés d’avenir et nous n’avons observé aucune impasse manifeste.
En revanche, toutes ne maîtrisent pas les facteurs clés de succès du business développement : une stratégie d’accès aux marchés et une stratégie d’accès aux financements, une valence commerciale et une culture de l’International, une ouverture au réseautage/partenariat/collaboration et le sourcing de compétences externes ciblées.
Point d’intérêt pour les pouvoirs publics, nous observons deux types de Dirigeants : celui qui connaît parfaitement les outils institutionnels (aides, supports…) et qui est souvent impliqué dans les réseaux (pôles de compétitivité, fédérations…) ; il est rare c’est pourquoi nous le comparerons à l’arbre…qui cache la forêt de la majorité des autres qui ne connaissent pas et ne savent pas à qui s’adresser.
En conséquence, ce qui fera in fine la valeur ajoutée d’une offre de service, c’est la capacité des pouvoirs publics à la promouvoir et à la distribuer (au sens de la supply chain).
Ceci est d’autant plus intéressant que les dirigeants ayant bénéficié d’une aide ou d’un accompagnement public sont en règle générale satisfaits du service apporté, modulo l’impression du mille-feuilles institutionnel et de réinventer la roue à chaque fois.
  • Les start-up :
Jeunes (moins de 3 ans) ou moins jeunes (7 ans d’existence), elles ont un point commun : elles font face à des enjeux extrêmes liés à ce que les américains ont baptisé la traversée de la « vallée de la mort » – cf. p.ex. « 10 ways for start-ups to survive the valley of death ».
Elles peuvent être issues d’essaimage ou sont des créations ex-nihilo. Elles développent une innovation de service ou une innovation technologique, ou les deux.
Leurs dirigeants ont une expérience, pour ne pas parler d’expertise, forte du produit/service innovant cœur de leur entreprise.
Leur besoin est d’avoir accès à un accélérateur à travers des solutions de financement (et un mix public-privé semble indispensable yc actionnant le levier du « crowd-funding ») et d’accompagnements adaptées et de haut niveau de valeur ajoutée, probablement au sein d’écosystèmes concentrés.
En parallèle, dans un contexte où la dimension commerciale est souvent moins maîtrisée, un point interpelle : ces entreprises sont souvent primées et/ou bénéficient de subventions publiques, mais accèdent très difficilement à la commande publique. Or comme se plaisent à le rappeler leurs dirigeants, l’objectif d’une entreprise n’est pas d’obtenir des subventions, l’objectif d’une entreprise est de mettre des produits sur le marché.
  • Les TPE et PME en croissance ou en potentiel de croissance :
Diverses, elles ont pour point commun qu’elles sont positionnées sur une niche de spécialisation.
Même s’il est difficile de dresser un portrait type (elles sont multiples), souvent elles sont nées du flair et de la volonté d’un(e) entrepreneur(se), et également d’une règlementation favorable à l’émergence d’un marché et/ou d’un besoin non satisfait ou mal adressé jusqu’alors.
L’innovation repose sur une innovation par les usages, innovation incrémentale, visant à apporter une solution supérieure à la concurrence.
L’on observe parfois un problème de « time-to-market » pour des entreprises qui devancent leurs marchés (une règlementation qui prend du temps à se mettre en place par ex.) et qui sont dans une situation d’éducation du marché.
Au-delà des besoins bien évidents de financement du BFR (moyens marketing/commerciaux, recrutements), ces entreprises ont souvent besoin d’un soutien des pouvoirs publics (par la Loi mais aussi par l’éducation et/ou l’incitation de la demande).
Elles ont également besoin (et ont recours parfois) à des accompagnements d’experts ciblés, en particulier sur les dimensions marketing-commerciales et financières.
Par ailleurs, il convient d’être sensibilisé sur le fait que ce sont des entreprises en croissance instable : tout est fragile et peut être remis en question du jour au lendemain.
A noter que, parmi les entreprises rencontrées, figurent des sociétés de conseil (en organisation/management, en accompagnement de l’innovation…). Ces entreprises connaissent les mêmes difficultés que les autres (financement de la croissance en particulier) et ont en outre la particularité qu’elles contribuent à développer/professionnaliser les TPE/PME en croissance (leurs clients). Elles ont un rôle clé à jouer mais manquent de moyens (comment financer le développement d’une société de conseil par exemple ?), voire en certains cas de reconnaissance.
  • Les PME établies
Elles ne sont pas si établies que cela dans la réalité.
Souvent, elles ont connu et/ou connaissent des progressions en dent de scie, voire ont connu des crises/chocs desquels elles ont su se relever.
Dans leurs atouts, elles ont comme caractéristique d’être résilientes.
Dans leurs faiblesses, elles n’ont pas (encore) trouvé un positionnement réellement différenciant et/ou une proposition de valeur suffisamment forte et lisible.
Les besoins sont souvent des besoins liés au financement (de la croissance ou de la compétitivité), mais aussi et en premier lieu liés à la stratégie, à l’organisation et au management des compétences clés (recrutement, fidélisation).
Dans l’hypothèse où une PME n’est jamais (complètement) établie, un enjeu pourrait se poser en ces termes : comment ‘basculer’ une PME dite établie en PME de croissance ? Et en corollaire : comment mettre les efforts d’accompagnement d’une part sur les PME en croissance et en potentiel de croissance, d’autre part et sur les PME en difficulté avec des enjeux d’emplois ?
Dans ce contexte, sans évoquer un nième Plan Marshall, il nous semble qu’un programme d’accompagnement tel que le « Plan PME » de la Région Rhône-Alpes mériterait de faire l’objet d’un benchmark.
Un facteur clé de réussite de ce type d’outil d’accompagnement est d’être très lisible et visible pour les PME (1 seul outil) et performant en interne (1 organe central qui pilote/coordonne et n organes décentralisés qui prospectent au plus proche des ‘clients’).
  • Les PME en difficulté et en besoin de restructuration/retournement :
Elles ont comme point commun avec les start-up que le temps est compté et que les enjeux de cash sont vitaux.
Comme dans le cas de start-up rencontrées, le Dirigeant se retrouve souvent seul.
Et si ce point est également valable pour un certain nombre de TPE/PME, ici la spécificité est que la solitude confine à l’isolement…et la plupart du temps à la lassitude : « récemment, je me suis demandé si j’allais continuer ».
Le besoin, comme dans le cas des start-up, est d’avoir accès à des solutions de financement et d’accompagnements adaptées et de haut niveau de valeur ajoutée.
Des outils institutionnels tels que les audits CODEFI, avec les Commissions de Chef de Service Financier, au sein des DDFIP, ont fait leur preuve…même si l’on observe un recours aux CODEFI très hétérogène suivant les régions et un flux moindre depuis 2 ans.
En parallèle, les interventions réalisées en direct par les services du Ministère du redressement productif portent le plus souvent sur des entreprises de surface supérieure aux PME.
Or, pour une Région, le sauvetage d’une PME en difficulté avec des enjeux d’emplois forts est tout aussi structurant à l’échelle d’un territoire que le développement de start-ups.
Par ailleurs, il est communément admis que plus l’accompagnement est réalisé en amont de graves difficultés (dettes trop importantes pour être apurées sans une procédure judicaire), plus les chances de rebond de l’entreprise sont importantes.
Un retour d’expérience d’audits CODEFI menés dans différentes régions françaises ne pourrait-il pas éclairer des pistes possibles d’accompagnement ? Quid également d’un référencement de professionnels du retournement d’entreprises ?
  • Et quid des ETI ?
Elles sont bien entendu stratégiques pour les régions ! Elles pèsent des centaines voire des milliers d’emplois et développent la plupart du temps de nouvelles activités (R&D). Elles sont des locomotives pour les wagons de TPE/PME. Elles sont des exemples à suivre.
Ont-elles des besoins ? Quels sont-ils ?
Et bien à notre grand étonnement, elles sont sorties du radar régional. Serions taxé d’exagération que nous prendrions volontiers ce risque s’il pouvait faire bouger les lignes.
Elles sont sorties du radar si l’on veut bien faire la différence entre la raison d’être d’un projecteur et celle d’un radar.
Certes, leur terrain de jeu est international.
Certes, leur siège social a parfois déménagé.
Pour autant, à l’échelle d’un territoire, elles sont stratégiques comme dit.
En outre, leur berceau régional/local garde une place spéciale dans le développement de ce qui est devenu un groupe.
Alors ? Est-il possible d’imaginer des solutions concrètes pour répondre à certains propos entendus lors de notre étude tels que : « parfois nous ne savons pas si nous sommes les bienvenus dans notre région » ?
  • Ouverture vers des réflexions pour les pouvoirs publics :

Cette étude met en exergue des points qui apparaissent comme autant de facteurs clés de réussite d’une offre d’accompagnement d’entreprises à l’échelle d’une région. Nous en avons retenu 4 :

1 – Cette offre doit s’inscrire dans une volonté politique forte.
L’exemple de la Région Rhône-Alpes peut éclairer des débats possibles : la volonté politique de cette Région est d’accompagner 1000 entreprises dans le temps d’une mandature et le budget alloué pour les prestations d’accompagnement est de 25 ME.
2 – Cette offre doit s’appuyer sur un mix-marketing et un modèle économique aboutis.
Les pratiques commerciales et logistiques d’entreprises privées et publiques peuvent être sources d’inspiration (à aligner avec le sens de l’action publique).
La question du modèle économique doit être posée.
3 – Cette offre doit être pilotée / monitorée selon les standards d’une gestion de programme.
Une organisation doit être mise en place avec des pilotes comptables des actions engagées et des acteurs mettre d’œuvre sur le terrain.
4 – Cette offre doit s’appuyer sur des ressources humaines identifiées et compétentes.
Identifiées dans le sens affectées et un dimensionnement est à faire pour que les moyens soient alignés sur les objectifs et l’ambition politique.
Compétentes car, au-delà d’une culture de l’entreprise, des compétences marketing et commerciale sont indispensables pour déployer l’offre.

En corollaire, des questions se posent parmi lesquelles :

Quels besoins de formation / recrutement pour insuffler de nouvelles compétences dans les agences régionales ?
Quels principes de subsidiarité définir ? (contractualisations)
Comment conduire le changement ?
Jerome Carayol - emoveo

Par Jérôme Carayol

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