Du Brexit à Air France, quelles leçons de management ?

Le 15 mai 2018 dans Stratégie

En 2016 le peuple britannique s’est exprimé, deux ans après (quasiment) celui d’Air France en a fait de même. Dans les deux cas, la question qui n’était pas posée était « faites-vous oui ou non confiance, donnez-vous oui ou non quitus à ceux qui vous gouvernent ? ». Et pourtant dans les deux cas, David Cameron et Jean-Marc Janaillac ont mis leur propre remain/exit dans la balance.

Pourquoi ce qui était au tout départ des actes, fussent-ils complexes, de management a-t-il été très vite transporté par ses auteurs sur le théâtre d’une dramaturgie qui lie le sort de l’un à l’autre, comme Roméo et Juliette, et se termine par le choix entre le plébiscite et le chaos où le plébiscite est impossible ? Parce qu’ils n’ont précisément pas été pris comme des actes de management mais comme des marqueurs idéologiques (poussés par des certitudes ou des paris sur l’avenir) ? Possible…

A cet instant, il nous revient en mémoire l’essai d’un confrère aîné dans la profession, Olivier Vassal, écrit en 2005 dont le titre « Crise du sens défis du management » résonne aujourd’hui lourdement.

Qu’est-ce donc qu’un acte de management ?

Il y aurait sans nul doute mille et une façons de le définir, de le décrire, de l’illustrer. Pourtant, l’époque de « tous les possibles » que nous traversons, tout autant exaltante qu’anxiogène, nous oblige à centrer ces mille et une façons sur l’essentiel : comme l’eau qui irrigue les cultures, un acte de management doit donner du sens.

Première leçon de management du Brexit et d’Air France

Dans un débat exigeant, il est essentiel de donner du sens au projet et d’embarquer la majorité autour de ce sens fédérateur. Pour « faire sens », il faut respecter trois conditions : répondre aux défis à court terme, donner à voir une vision stratégique de long terme et, là n’est pas la moindre des difficultés, aligner les deux en permanence. C’est tout le contraire d’un marqueur idéologique, ou de sa dérivée le « motto » (devise proclamée) nous y revenons dans la suite, dont l’essence même est de cliver en injectant une forte dose d‘affect pour créer une rupture forte. Sous couvert de « bouger les lignes », la réalité est que l’on déboussole. Pire l’on crée des injonctions paradoxales ; par exemple dans le cas du Brexit « ne pas être dans l’UE mais être dans une union douanière », par exemple dans l’entreprise « faites beau et pas cher ».

Corollaire

Le corollaire est que l’on ne conduit pas le changement avec un motto. Le motto, que l’on voit semé de plus en plus généreusement par les états-majors des entreprises pour faire pousser l’herbe verte du changement dans leurs organisations, est en réalité un acte manqué de management…allez, il est encore temps de se le dire, une arme de destruction massive du management.

Enfonçons le clou

Sans doute le sujet Air France est-il plus complexe que le suggère les lignes précédentes (ne parlons pas du Brexit) et sans doute les pilotes sont-ils déjà très bien payés, donc irresponsables dans leurs actes. Sans doute. Et en même temps, alors que les pilotes représentent moins de 10% des effectifs de la compagnie, le résultat du référendum pointe 55% de désalignés avec (les propositions de) la direction. Ce résultat ne vaut-il pas CQFD d’une crise de sens et des défis du management ?

Savez-vous détecter les signaux faibles ? Que savez-vous de votre « majorité silencieuse » ?

Les résultats du référendum chez nos voisins anglais ou chez notre fleuron de l’aérien ont ceci en commun qu’ils ont suscité l’incrédulité du plus grand nombre, à commencer celle des parties prenantes et à tout seigneur tout honneur des vainqueurs (cf. le principal syndicat de pilotes Air France portant le fardeau de son succès face aux caméras du JT de 20h). D’ailleurs, les réactions à chaud sont toujours les mêmes : « Impossible !… Mon cercle, le cercle de mon cercle, le cercle de mon cercle de mon cercle, …tous ont voté ok… le résultat ne peut être un ko ! » (presque s’il ne faudrait pas recompter les bulletins).

Phénomène nouveau

Un phénomène nouveau, mis en lumière par les instituts de sondage lors des récents référendums et élections politiques, pénètre avec la même force l’entreprise : alors que la plupart des alignés expriment ouvertement leur adhésion, une part de plus en plus représentative d’hésitants et d’opposants masque ses intentions. Ce qui engendre pour les sondeurs d’opinion une difficulté à faire leur métier (par les méthodes classiques) est en train de créer pour les managers une difficulté aussi intense à mesurer la capacité dynamique de transformation de l’entreprise. Attention danger si les salariés sont en crise de sens ! (§ précédent)

Mêmes maux mêmes remèdes ? Les méthodes classiques sont mortes, vive le dark web et les Cambridge analytica ? Heureusement la protection des données personnelles se renforce et c’est donc bien par la qualité du management et des actes de management que viendra la lumière ; et c’est heureux !

Deuxième leçon de management du Brexit et d’Air France

Dorénavant le leadership de l’entreprise fait face à ce que nous appelons le pouvoir de la « majorité silencieuse ». Discrète, par peur ou par choix, c’est elle qui fait ou défait les rois. Cela révèle avec beaucoup plus d’acuité deux questions fondamentales du management : Savez-vous détecter les signaux faibles ? Que savez-vous de votre « majorité silencieuse » ? A l’heure d’engager les collaborateurs de l’entreprise, de construire la symétrie des attentions et d’assurer la qualité de vie au travail, cette deuxième leçon vaut sans doute bien plus qu’un fromage !

Solutions

Gageons que le résultat du référendum d’Air France a pu inspirer les syndicats de la SNCF au point qu’ils lancent un référendum en interne. Même si le pire n’est jamais certain, l’expérience du passé nous montre que ces initiatives traduisent en réalité un acte manqué de management et, au mieux, ne sont pas des solutions au problème (litote).

Il existe d’autres solutions que le référendum pour écouter et engager une majorité silencieuse. D’ailleurs si vous voulez mesurer la capacité dynamique de transformation de votre entreprise, emoveo a bâti une approche spécifique que notre équipe a éprouvée dans différents environnements. Pour en savoir plus, vous pouvez nous poser vos questions directement sur notre site internet emoveo.fr ou contactez-nous

Pour interagir avec l’auteur : jcarayol@emoveo.fr

Jerome Carayol - emoveo

Par Jérôme Carayol

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