Défis des PME familiales – épisode 1 : la gouvernance et l’affectio societatis

Le 29 octobre 2019 dans Stratégie

Rappelons qu’une PME est une entreprise faisant jusqu’à 250 personnes et 50 ME de CA et qu’une PME familiale n’est pas une entreprise poussiéreuse ou démodée mais une entreprise dont le pouvoir décisionnel est détenu majoritairement par une ou plusieurs familles fondatrices.

La gouvernance représente donc incontestablement le premier des défis. Evidemment c’est elle qui fixe le cap, définit la stratégie, met en œuvre les moyens. Mais dans une entreprise familiale, c’est plus que cela. Le défi est de concilier 3 cercles de pouvoir (potentiellement) antagonistes :

 

L’objet Entreprise est concentré sur la compétitivité et la performance opérationnelle ; l’objet Famille est concentré sur la gestion patrimoniale et la transmission ; l’objet Actionnaire, représentant la famille avec potentiellement d’autres investisseurs, est concentré sur la valeur de l’entreprise et le rendement du capital investi.

Le temps de l’entreprise est court voire très court, le temps de la famille est long voire multigénérationnel, le temps de l’actionnaire est moyen terme voire divergent entre actionnaires.

Revenir à ces fondamentaux donne à comprendre l’ampleur de ce premier défi et la condition sine qua non que la PME familiale ait ou se dote, pour passer un palier de croissance et se projeter à une taille ETI, d’une gouvernance de changement.

Qu’est-ce à dire ? (vous pouvez nous poser ici vos questions directement)

 

Quand il est question du processus de prise de décisions (donc par corollaire de la gouvernance de l’entreprise), l’on observe 4 situations que nous résumons en combinant le degré d’ouverture et le degré d’intégration de la PME familiale.

  • L’ouverture est l’ouverture au monde extérieur, en particulier aux contre-pouvoirs : externes (marchés, conseils/partenaires, organisations professionnelles, pouvoirs publics) et internes (salariés, actionnaires).
  • L’intégration est l’intégration du secondship (salariés d’encadrement) au processus : à un niveau opérationnel (Comité opérationnel), à un niveau plus stratégique (Comité de direction).

 

Pourquoi parler de gouvernance de changement ?

L’expérience montre que les PME familiales qui passent un palier de croissance sont celles qui ouvrent et/ou intègrent. Les championnes que l’on retrouve sur le podium des ETI de croissance maîtrisent quant à elles à la perfection l’art d’ouvrir et d’intégrer tout à la fois. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard qu’elles innovent et se déploient à l’international. Voilà pourquoi nous parlons dans ce cas de gouvernance de changement.

Ne pas faire :  penser qu’intégration rime avec ouverture. En effet, quand il est question de PME familiale, la gouvernance peut intégrer au processus et exclure de la prise de décisions. De ce point de vue, par-delà son existence c’est le fonctionnement dans la vraie vie du Comité de direction qui valide si la gouvernante intègre et ouvre ; d’où l’importance de prendre le pouls du Codir le plus rapidement possible, …mais de l’importance tout autant de ne pas en rester là car la réalité peut être plus compliquée encore et renvoie à l’affectio societatis (cf. § consacré au sujet).

Quadrant magique emoveo de la PME familiale de croissance

Quelles sont les 4 situations de gouvernance de la PME familiale ? Comment se caractérisent-elles ? Comment agissent-elles sur la dynamique de croissance de la PME ?

Ci-dessous un aperçu à travers le quadrant magique d’emoveo :

Vous souhaitez interagir ici avec nous ?

Plutôt que d’inviter à l’introspective de chaque boîte (ce qui existe, c’est ce que nous connaissons déjà) ou de redire les recettes de l’entreprise de croissance (lire à ce propos l’ouvrage « Comment doubler la taille de votre entreprise. Carnet de croissance pour PME et ETI », par Fanny Letier co-fondatrice de GENEO Capital Entrepreneur), notre choix est de privilégier l’action ; l’action qui n’a de valeur, à l’échelle de la PME familiale, que par l’exploration et le pragmatisme.

En jouant sur l’exploration et le pragmatisme, emoveo a construit un outil simple et pédagogique d’auto-diagnostic permettant au(x) dirigeant(s) de la PME familiale, ou à ses contre-pouvoirs/structures d’accompagnement, de se positionner « en quelques clics » par rapport à la gouvernance de changement. En fonction de la position de l’entreprise dans le quadrant, l’auto-diagnostic permet de collecter et de croiser les dimensions d’analyse pour se projeter dans le changement :

  • la dimension exploratoire questionne l’émotion et la vision ;
  • la dimension pragmatique questionne la raison et l’expérience.

L’auto-diagnostic passe au filtre de ces deux dimensions 7 « persona » des 3 cercles de pouvoir de la PME familiale (l’Entreprise, la Famille, l’Actionnaire) – exemples de « persona » : la manager, le pater familias, le marché- nous consulter ici pour découvrir notre solution.

 

Pourquoi notre outil d’auto-diagnostic n’est-il pas en libre accès ?

Ce choix est dicté par deux volontés : i) ne pas en faire un produit d’appel ou un « appetizer » ; ii) établir avant toute mise à disposition un entretien contextuel avec la PME familiale (ou ses contre-pouvoirs) pour garantir la réponse aux vrais enjeux de gouvernance et d’affectio societatis.

Ne pas faire : sous-estimer le sujet. En effet, une gouvernance peut en cacher une autre ; souvenons-nous pour l’exemple de notre consultant en herbe Iznogoud, empêché dans le presse-bouton de sa feuille de route stratégique validée avec les dirigeants familiaux, par le shadow Codir du dimanche autour du grand pater familias retiré de toute fonction opérationnelle et même statutaire. « Dans la PME familiale, je demande l’affectio societatis ! »

L’affectio societatis, enjeu passionnant qui doit être dépassionné 

Rappelons que l’affectio societatis résulte d’une volonté commune de s’associer, une volonté indispensable à la formation du lien qui unit les personnes dans le capital d’une société.

Le lien qui unit une entreprise familiale, c’est évidemment la famille, et Dieu sait que ce lien peut être compliqué et complexe a fortiori pour des entreprises familiales anciennes ; ce qui fait de l’affectio societatis un sujet potentiellement tabou avant même de l’ouvrir à de nouveaux associés.

L’affectio societatis est familial, donc par nature excluant tout élément externe à la famille : « Je défendrai mon frère contre mon cousin, mon cousin contre son ami et son ami contre son ennemi ».

Prenant appui sur cette image, l’on peut néanmoins se poser la question suivante : qu’est-ce qu’une famille si ce n’est l’ouverture progressive à des membres extérieurs et l’intégration progressive de membres extérieurs au noyau initial ? (cf. arbres généalogiques)

Quelle différence entre ce que le pater familias consent à faire à un moment de sa vie, lâcher la main de sa fille à son futur ex gendre idéal, et l’ouverture de l’affectio societatis de l’entreprise familiale ? Aucune, et un gouffre ! C’est ce qui fait de l’affectio societatis un enjeu passionnant.

« La domination du monde était promise à celui qui dénouerait le nœud entre le joug et le char du Roi Gordias. Alexandre le trancha. » Pour dominer le monde, pour le moins accéder au carré d’AS de la PMETI familiale de croissance, faut-il que le(s) dirigeant(s) soi(en)t tous des Alexandre ? Evidemment non mais, dans un contexte de sous-capitalisation des PME françaises qui ne fait pas débat, il faut savoir parfois trancher le nœud gordien pour accélérer (ou sauver) l’entreprise.

Ne pas faire : passionner le l’enjeu. En restant dans notre rôle de conseil, mais en le jouant pleinement, notre valeur ajoutée est d’aider à vérifier que les piliers de l’affectio societatis sont préservés ou à les (re)mettre en place : la vision, les gains, les risques, l’identité (les valeurs), le pouvoir.

Vous avez ici vos questions sur notre approche méthodologique ?

Comment réussir la construction d’une gouvernance de changement ?

Est-il utile de dire que l’affectio societatis est clé dans la construction d’une gouvernance performante ? Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, nous ne le dirons jamais assez ! Et les entrepreneurs, aujourd’hui à la tête de très belles boîtes cotées en bourse, qui s’en sont vu pour racheter progressivement les parts d’actionnaires de départ pour aligner l’affectio societatis sur la performance, sont là pour témoigner.

L’affectio societatis doit être adapté au type de gouvernance requis. Et l’expérience nous amène à dire que le type de gouvernance doit être garant de l’équilibre entre 2 natures d’objectif :

  • l’objectif de l’entreprise, qui doit lui-même tenir compte des caractéristiques de marché et de l’intensité concurrentielle : pour simplifier, l’entreprise doit investir ou pas pour maintenir sa part de marché/son avantage concurrentiel ;
  • l’objectif de la famille : objectif dynamique (prise de risque) ou sécuritaire.

En croisant ces 2 natures d’objectif, qui évoluent bien sûr dans le temps, nous obtenons ce que nous appelons la boussole de l’affectio societatis :

 

Pour naviguer au Nord-Est et au Sud-Ouest, la PME familiale doit s’appuyer sur un affectio societatis pas seulement ouvert mais oeuvrant au changement, le status quo étant intenable. Il faut dans ces cas de figure injecter du sang neuf, et souvent des liquidités, pour rendre possible la croissance (Nord-Est) ou le retournement (Sud-Ouest). Attention, injecter du sang neuf n’implique pas d’ouvrir le capital à des tiers dans le sens où : i) ouvrir le capital ne fait pas une stratégie ; ii) ouvrir le capital n’est pas la seule solution – nous consulter ici pour tout benchmark.

Ne pas faire : se tromper de course, ne pas être préparé, ne pas anticiper – p. ex. s’endormir/s’embourgeoiser dans la navigation Sud-Est ou s’équiper en mode régate pour le Vendée Globe (quart Nord-Ouest) : dans un cas comme dans l’autre, mieux vaut penser le changement et avoir un affectio societatis agile, stratège et connecté.

Comment réussir la construction d’une gouvernance de changement ? Nous conclurons par la mise en exergue d’un bon benchmark que nous observons : la séparation des pouvoirs entre le Conseil de surveillance et le Directoire ; ou autrement construit entre la Présidence et la Direction générale. Qui mieux qu’une Direction générale venant de l’extérieur et « family business compatible » pour garantir dans l’intérêt de tous l’équilibre des 3 cercles de pouvoirs Entreprise, Famille et Actionnaire ?

§§§

Ainsi se termine le premier épisode de notre série Défis des PME familiales que nous ne pouvons refermer sans dire un mot sur l’actionnariat salarié qui fait aussi le lien avec nos prochains épisodes. Nous autorisant ici une posture plus personnelle, nous oserons ainsi soutenir que l’actionnariat salarié, initié par le Général de Gaulle soit dit au passage, va dans le sens de l’histoire de la PMETI familiale de croissance. Sachant le changement culturel que la chose engendre, concluons moderato par dire le bienfait du dispositif d’épargne salariale, incité plus encore par la loi Pacte, à la fois inducteur de changement, levier avéré de performance collective et vrai dispositif gagnant-gagnant : « Le changement, c’est maintenant ! »

§§§

Prochainement dans notre lab des stratégies de croissance, l’épisode 2 : le défi de l’image de marque et de la marque employeur.

@emoveo : pour celles et ceux qui souhaiteraient nous soumettre un cas d’usage en toute confidentialité ou en savoir plus sur notre outil d’auto-diagnostic, vous pouvez nous consulter.

 

A propos de l’auteur : expert reconnu des stratégies de croissance, Jérôme Carayol est depuis 2013 formateur référent du programme « Comprendre la stratégie des dirigeants de PME et ETI » pour l’Institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE), service du ministère de l’Économie et des Finances et du ministère de l’Action et des Comptes publics.
Jerome Carayol - emoveo

Par Jérôme Carayol

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