La croissance externe est un levier incontestable d’une stratégie de croissance. Pour autant, elle ne doit pas être une obsession de dirigeant en quête d’acquisition de parts de marché et de synergies. Pourquoi ? Parce que dans ce cas, l’expérience montre qu’elle répond au mieux à une stratégie financière ingénieuse et au pire à une tactique, donc à aucune stratégie.
Dans le premier cas, l’effet de levier est aussi intéressant que le mur de la dette est gigantesque : le cabinet d’avocats d’affaires britannique Linklaters a chiffré à 416 milliards d’euros l’endettement qui devra être refinancé d’ici 2016 par les entreprises européennes en LBO. Une véritable fuite en avant !
Dans le deuxième cas, pour quelques success stories bien nées, combien d’échecs recensons-nous ? Le cabinet Mc Kinsey que l’on ne présente plus estime que le retour sur investissement n’est pas atteint dans plus de 2/3 des cas. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement quand le business plan, guidé uniquement par la tactique, est largement sur-évalué !
Lorsque l’on parle de croissance externe, il est important que ces éléments soient rappelés. Lorsqu’une Région française, avec l’Etat et un peu d’Union Européenne, finance à hauteur de 70% l’accompagnement de PME par des consultants pour mettre en œuvre des projets de croissance externe, il est important que ces éléments soient connus de tous.
C’est précisément dans ces éléments de contexte que le consultant que je suis a soutenu très récemment une proposition d’emoveo dans le cadre d’un programme régional d’accompagnement de croissances externes. Si les 20 minutes de grand oral ont été « business as usual » (regrettons au passage la nouvelle tendance aux grands oraux scolaires et insipides), l’analyse a posteriori, elle, est plus riche d’enseignements.
A travers 4 dissonances, essayons de remettre en perspective un projet de croissance externe et d’alerter également sur les risques d’une croissance externe vue comme la planche de salut.
Dissonance #1 : « La croissance externe semble être le seul moyen de faire progresser en taille les entreprises et de développer des ETI. »
Une telle assertion est évidemment fausse mais elle serait en outre dangereuse si elle devenait un postulat.
Pour accompagner des entreprises au quotidien depuis 20 ans, nous avons suffisamment d’éléments de comparaison pour affirmer que le seul moyen pour une entreprise de progresser, c’est la qualité de son/ses dirigeant(s) et de sa gouvernance.
Quand les marchés ne sont pas là, il est toujours possible de repositionner l’entreprise sur des marchés porteurs. Quand les fonds propres ne sont pas là, il est toujours possible de lever des fonds (même pour une toute petite entreprise). En revanche, quand le dirigeant/la gouvernance fait défaut, il n’y a pas de solution et l’entreprise est vouée à l’échec…sauf à être retournée avec un autre management.
Pourquoi une telle assertion est-elle dangereuse ? Au-delà du fait qu’elle exclut les questions stratégiques de fond – pourquoi une entreprise rencontre-t-elle des difficultés de croissance ? fait-elle les choses qu’il faut ? par extension son management est-il apte à la positionner sur des marchés en croissance et à construire un positionnement concurrentiel durable ? –, elle est dangereuse car elle laisse entendre que, tel le prêteur en dernier ressort pour les banques en panne de liquidité, la croissance externe serait la solution de dernier recours pour les dirigeants en panne de stratégie.
D’ailleurs, pour les consultants d’emoveo, cette dissonance fait écho aux questions de clients/prospects exprimées sous la forme « pouvez-vous nous trouver un projet de croissance externe ? » alors que 2 fois sur 3, comme dans l’étude de Mc Kinsey, la stratégie de développement n’est pas travaillée.
Gardons en tête qu’une croissance externe, c’est ni plus ni moins que définir-mettre en œuvre-piloter une stratégie à un multiple de taille et soyons vigilant à ne pas générer d’illusions ou à faire peser de vrais risques sur des entreprises dont la croissance externe serait la seule planche de salut.
Vous êtes intéressé par des cas de stratégies de croissance ne faisant pas appel à la croissance externe ou rationnalisant un portefeuille de DAS pour recréer de la croissance ? Entrer en contact avec emoveo
Dissonance #2 : « La perte de compétitivité de la France et l’accélération de sa désindustrialisation rendent urgent le développement rapide de ses entreprises les plus performantes. La croissance externe permet de répondre à cet impératif et de faire émerger des ETI de taille suffisante en regroupant des PME. »
Pour dire les choses sans détours, s’il est question de se comparer au parangon allemand à travers son Mittelstand, encore faudrait-il avoir la sagesse de revenir à ce qui fait la culture allemande et, probablement, à remonter à Bismarck, soit il y a plus de 150 ans. A ce propos, nous recommandons, une fois n’est pas coutume, la lecture d’un très bon article publié en novembre 2012 dans un blog de mediapart, « Le Mittelstand, clé de la performance allemande » : le-mittelstand-cle-de-la-performance-allemande
Faire pousser de la croissance externe pour faire émerger un Mittelstand à la française ? Si c’était si simple (« si ça marchait comme ça »), les clubs de rugby du Sud-Ouest auraient fusionné depuis belle lurette pour constituer la plus puissante franchise d’Europe !
La perte de compétitivité de la France et l’accélération de sa désindustrialisation n’est pas un problème de croissance externe, c’est un problème de stratégie industrielle. Donc la croissance externe n’est pas la solution. Quels sont les facteurs clés de succès du Mittelstand ? Des stratégies industrielles par filières, des clusters pour organiser ces stratégies et par-dessus tout un terreau culturel fertile résumé dans les valeurs du « capitalisme rhénan ».
Parmi les facteurs clés de succès, les clusters ont un rôle clé à jouer. Cela tombe bien, nous en avons plus de 200 en France. Pour autant, le constat (pour ne pas évoquer une dissonance de plus) que nous faisons est que, n’ayant pas été construits dès le départ selon un modèle de Porter (schématiquement : des chaînes de valeur adressant des marchés), beaucoup sont aujourd’hui englués dans des contraintes de modèles économiques et organisationnels inadéquats, quand ce n’est pas embolisés par des contingences que nous qualifierons sobrement d’administratives.
Quelles sont les solutions ? Hors fonctions régaliennes (nous pensons à l’Etat stratège), nous prônons un volontarisme pour changer résolument le modèle des clusters (des groupements d’entreprises précisément !) et, en parallèle, pour insuffler une véritable culture de la stratégie d’alliance.
Alors que la croissance externe est bien souvent préférée à la stratégie d’alliance (ou « build-up »), soulignons que l’Observatoire du private equity d’HEC a publié en 2012 les résultats d’une étude réalisée sur près de 2000 opérations dont 80% de PME démontrant que 77% des build-up ont créé de la valeur contre 50% des opérations de fusions-acquisitions entre industriels.
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Dissonances #3 et #4 : « Monsieur Carayol, comment définiriez-vous votre valeur ajoutée dans un projet de croissance externe ? Est-elle stratégique ou financière ? »
Ce questionnement pourrait très bien sonner dans la bouche d’un dirigeant d’entreprise, non familier avec ces sujets et cherchant à construire les briques de compétences concourant à la solution. Or il ne nous a jamais été posé ainsi. Pourquoi ? Parce qu’un dirigeant d’entreprise, quelle qu’elle soit et quelque soit sa taille, cherche une solution pour répondre à des enjeux et atteindre un objectif. Alors quelle est la valeur ajoutée de cette question lorsqu’elle est posée par un représentant d’une organisation parapublique parfaitement familier avec les métiers du conseil ? (…ou rassurez-nous…).
Deuxièmement, y a-t-il plus stratégique pour une entreprise qu’un projet de croissance externe ? La croissance externe est-elle autre chose qu’un sujet de stratégie d’entreprise ? Qu’est-ce que la stratégie si ce n’est l’art d’allouer les ressources, humaines et financières, là où elles sont porteuses pour développer ou maintenir durablement un positionnement concurrentiel ? Comment le faire sans compétences humaines, organisationnelles, financières et juridiques ? (…ou corrigez-nous…).
« La valeur ajoutée d’emoveo est dans son ADN métier : accompagner les stratégies et les transformations d’entreprises. Au cœur des enjeux et des besoins. »
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